“On connait tous le nom de Magellan, mais ses exploits sont tombés dans l’oubli car Magellan est un héros maudit. (…) Pourtant, c’est lui qui a réalisé le rêve de Christophe Colomb, c’est lui qui a rejoint les Indes par l’ouest.”
C’est ainsi que commence un documentaire en 4 épisodes réalisé récemment par ARTE sur le plus grand exploit maritime de tous les temps. 237 marins partent à la découverte d’un nouvel océan, de nouveaux peuples, d’un nouveau monde : l’histoire du premier tour du monde. Le but de Magellan est descendre l’Atlantique pour trouver une porte vers un nouvel océan qui le conduira aux Iles des Moluques, l’ile aux épices. Les connaissances des routes maritimes de l’époque se limitaient au sud du Brésil. Après la méprise du golfe de Rio Del Plata en Argentine, Magellan continue à descendre vers le sud. Mais ses navires empruntent une route qu’aucun européen n’a jamais vu ni utilisé. C’est l’inconnu le plus complet. Il est difficile aujourd’hui d’imaginer des marins partant vers l’inconnu le plus total pour ramener des cargaisons d’épices, en particulier des clous de girofle. La première mondialisation par les océans en quelque sorte.
Ce qui fait de cet exploit le plus grand des exploits maritimes est les conditions dans lesquelles les marins ont du naviguer. La descente des bateaux vers les quarantièmes, puis les cinquantièmes, sans s’appuyer sur des instruments précis font preuve d’un sens marin exceptionnel. Pendant plusieurs mois, la recherche d’une porte vers le nouvel océan posera un vrai problème de navigation.
Il est possible de consulter le récit du voyage de Magellan. Cette chronique tenue au jour le jour par Antonio Figafetta, présent sur le bateau (Le Voyage de Magellan 1519–1522, Editions Chandeigne): “Mercredi 28 novembre 1520, nous saillîmes hors dudit détroit et entrâmes dans la mer Pacifique, où nous demeurâmes trois mois et vingt jours sans prendre vivres ni autres rafraîchissements. Nous ne mangions que du vieux biscuit tourné en poudre, tout plein de vers et puant, pour l’odeur de l’urine que les rats avaient faite dessus et mangé le bon, et buvions une eau jaune infecte. (…) C’est que les gencives de la plus grande partie de nos gens croissaient dessus et dessous, si fort qu’ils ne pouvaient manger et par ainsi ils mouraient tant qu’ils nous en mourut dix-neuf. (…) Durant ces trois mois et vingt jours, nous allâmes en un golfe où nous fîmes bien 4000 lieues par la mer Pacifique, laquelle était bien ainsi nommée, car durant leditemps nous n’eûmes aucune fortune, (…). Et si Notre-Seigneur et sa Vierge Mère ne nous eussent aidés en nous donnant bon temps pour nous rafraîchir de vivres et autres choses, nous mourussions tous de faim en cette très grand mer. Et je crois que jamais homme n’entreprendra de faire tel voyage”.
Dans la l’inventaire des marchandises emportées, il est prévu des provisions pour 237 marins pendant deux ans. “On peut estimer que les produits de première nécessité (biscuit, vin et huile) étaient répartis ainsi, par jour et par personne : environ 580 gr. de biscuit, 1 l de vin et 4,4 cl d’huile.”
Dans la liste des instruments de navigation, il est noté 24 cartes marines, 1 planisphère, 24 parchemins, 6 paires de compas, 21 quadrant en bois, 35 boussoles et 18 sabliers qui mesuraient le temps et régulaient la vie à bord (changement de quart, distance, chronologie). Pour manier de tels bateaux, il était indispensable de maîtriser les manoeuvres dans n’importe quelle condition de navigation. Le virement vent debout posait vite problème sur un bateau qui ne remontait pas à plus de 50 degrés du vent. Il était parfois préférable de mouiller et d’attendre une bascule de vent.
Quelle histoire !